Georges Attino

Tombouctou : les femmes violées sont aussi innocentes que les « mausolées » !

L’image a fait le tour du monde. En 2012 les djihadistes détruisaient à coup de pioches les mausolées de la ville de Tombouctou dans le nord du Mali. Selon eux ces mausolées sont contraires à l’islam. Des crimes (la destruction en 2012 de la  mosquée Sidi Yahia de Tombouctou ainsi que de 9 mausolées) pour lesquels Ahmed Al  Faqi Al Mahdi a été reconnu coupable et condamné à neuf ans de prison. Ahmed Al Faqi est le premier à être jugé pour des crimes commis au plus fort de la crise malienne, sous l’occupation des régions nord du pays. Mais les crimes commis ne se limitent pas uniquement à la destruction de biens culturels. Les groupes armés qui occupaient les lieux ont aussi perpétré des viols ainsi que d’autres formes de violences sexuelles sur des femmes et des jeunes filles. Malgré les 171 victimes recensées et les 113 plaintes portées pour les crimes de violences sexuelles, personne n’a été inquiété par la justice à ce sujet.

Justice rendue pour les édifices

En février 2015, la cité légendaire de Tombouctou a renoué avec ses « saints ». Les mausolées détruits ont été restaurés et réhabilités avec l’aide de l’UNESCO. Il restait alors la porte de la mosquée Sidi Yahia, qui a elle aussi a été restaurée en septembre 2016 en présence de notables, d’habitants de Tombouctou, du représentant de l’UNESCO et de la MINUSMA … Je ne dis pas que la restauration de ces biens culturels, classés patrimoine culturel de l’humanité, n’est pas important. D’ailleurs je me réjouis pour la justice rendue aux édifices de Tombouctou. Mais ça ne doit pas se limiter à ça et s’arrêter là.

Un mausolée restauré AFP / SÉBASTIEN RIEUSSEC
Un mausolée restauré. AFP / SÉBASTIEN RIEUSSEC

Qu’en est il du sort des femmes et des jeunes filles violées ?

Sous l’occupation des régions nord du Mali, les djihadistes et d’autres groupes armés ont exercé des violences sexuelles de diverses formes, notamment des viols. Comme l’atteste un rapport établi en 2012 par le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits humains au Mali. L’ONG Wildaf-Mali (Women In Law and Development/ Femme – Droit et – Développement en Afrique) a recensé 171 femmes victimes de violences sexuelles venant des régions du nord du Mali. Selon Bintou Bouaré, présidente de Wildaf-Mali « sur ces 171 femmes, 113 ont accepté de porter plainte. En trois ans, 30 femmes seulement ont été écoutées par le procureur de la commune 3 de Bamako ».

*

 

« Reconnaître qu’on a été violée est une honte pour sa famille »

Le viol est un sujet tabou au Mali. Les lèvres des victimes sont scellées par le regard de la société. Parmi les 171 femmes et filles victimes recensées de violences sexuelles, 58 n’ont pas voulu porter plainte.  » Certaines se sentent responsables de leur sort. Tandis que d’autres ont peur de témoigner parce qu’elles vivent dans la même localité que leurs violeurs qui errent librement dans la nature » me confie Bintou Bouaré, présidente de l’ONG Wildaf-Mali.

La blogueuse Fatouma Harber connait la ville de Tombouctou comme la paume de sa main. Elle n’a jamais quitté la cité des 333 saints. Pourtant la blogueuse avoue qu’elle n’avait jamais entendu parler de victimes dans Tombouctou ville. « Au début je pensais qu’il n’y avait pas de victimes à Tombouctou » raconte Fatouma Harber avant de poursuivre « c’est après quelques recherches à gauche et à droite que je me suis rendue compte qu’il y avait plusieurs victimes. Mais personne ne veut parler. Reconnaître qu’on a été violée, c’est une honte pour la famille ».

Au regard de l’absence de jugement pour les violences sexuelles, les instances juridictionnelles maliennes et internationales préfèrent enfuir leur justice dans les pierres angulaires. Alors qu’à l’angle des maisons souffrent en silence femmes et jeunes filles depuis des années. Personne ne les voient et dans les rapports elles ne sont que des chiffres. Malgré leurs nuits blanches ses femmes portent en elles un rêve, celui de voir un jour la justice triompher.

Notes:

* Témoignage sonore: Extrait d’un reportage réalisé en 2014 par la journaliste Rachelle Tessougué, lauréate de la première édition de la bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon


Ismaël Coulibaly, l’espoir d’une première médaille olympique malienne

Les cris de Ismaël Coulibaly se confondent avec ceux de ses coups de pied, dans la grande salle du Montpellier Méditerranéen Métropole Taekwondo. Comme chaque matin le taekwondoïste châtie bien le mannequin d’entrainement « Bob ». Entre le compagnon d’entrainement et l’athlète, se trouve un objectif bien précis. Celui de remporter une médaille dans la catégorie des moins de 80 kilos aux Jeux Olympiques de Rio. A 23 ans, Ismaël Coulibaly porte déjà l’espoir de tout le Mali sur ses épaules. Malgré les difficultés, il rêve de décrocher la première médaille olympique dans l’histoire du Mali.

Trop belliqueux pour les sports collectifs

Ismaël commence le sport à l’age de 5 ans, grâce à son papa, qui travaillait au stade omnisports Modibo Keita de Bamako. Il s’essaie au football, au basketball et au tennis. Mais le garçon était trop turbulent et bagarreur pour se plier aux règles des sports collectifs. « Je passais mes journées chez mon oncle Drissa Coulibaly, qui était maître de taekwondo. C’est lui qui m’a donné envie de faire du taekwondo. En plus, dans ce sport, quand on te tape, tu as l’occasion de rendre la pareille. »  Au début, les moyens n’étaient pas au rendez-vous, mais l’essentiel était ailleurs. Le sourire aux lèvres, l’athlète se souvient encore des petites astuces du moment : « On faisait le tour des tas d’ordures pour ramasser de vieilles chaussures usées. Ensuite, on les attachait les unes aux autres pour les mettre sur le ventre en guise de protection ».

De Bamako à citoyen d’honneur de Montpellier

Des dojos familiaux à ceux de la Fédération malienne de taekwondo, des coups, Ismaël en a reçu. Le natif du quartier de Missira s’est surtout fait remarqué par les coups qu’il a donnés. Ceci lui a valu d’être identifié par le CIO (Comité International Olympique) comme un athlète à très fort potentiel, et de pouvoir bénéficier d’une bourse olympique à Montpellier, en France. Depuis 18 mois, Ismaël s’entraîne sous le regard attentif de son entraîneur Karim Bellhacene. En plus du Mali, le taekwondoïste représente aussi les couleurs de Montpellier, sa ville d’adoption. Ismaël peut ajouter une nouvelle médaille à sa collection : celle de citoyen d’honneur de la ville de Montpellier.

Karim Bellhaceneb et Ismael Coulibaly. Credits photos: Georges Attino Coulibaly
Karim Bellhaceneb et Ismael Coulibaly. Credits photos: Georges Attino Coulibaly

Un appel au don pour subvenir au manque de moyens financiers

Même en dehors des dojos, Ismaël fait toujours face à une adversité tenace : le financement des préparatifs aux Jeux Olympiques. L’athlète avait un budget de 13.000.000 FCFA (20.000 euros).  Après de longs mois d’acharnement, la somme demandée est finalement débloquée quelques jours avant le début des J.O. Le taekwondo n’est pas considéré comme un sport majeur au Mali. Une anecdote vécu par Ismaël l’atteste. Il s’en souvient toujours comme si s’était hier: « En 2014-2015, j’ai été troisième mondial. De retour au pays, on m’a remis 1.500.000 FCFA. Au même moment, le Mali devenait troisième mondial lors de la coupe du monde de foot des moins de 20 ans. Ils ont remis 23.000.000 FCFA à tous les joueurs de foot. Quand je demande les raisons d’une si grande différence entre les primes, on me répond que les sports ne sont pas pareils. » Dans l’attente des financements promis par l’État malien, Ismaël et son entraîneur Karim Bellhacene ont dû faire preuve d’ingéniosité. Ensemble, ils ont mis en place une cagnotte participative avec un appel à l’aide de 4.000 euros, pour pouvoir au moins assurer le voyage sur Rio.

Une médaille olympique pour l’histoire

Le Mali a été deux fois champion du monde en taekwondo grâce à Daba Modibo Keita (en 2007 et 2009). Malgré ses performances, le gladiateur (comme on aimait le surnommer) n’a pas pu remporter de médaille olympique. La seule qui manque dans les vitrines du taekwondo malien. Ismaël Coulibaly se sent investit d’une mission. Il veut donner à son pays sa première médaille olympique. « J’en rêve, j’y pense incessamment, mon objectif c’est la médaille quelque soit sa couleur », conclut-il.

 


La berceuse, le tube de toute une vie!

C’est la fête de la musique comme tous les 21 juin. J’ai commencé à chanter très tôt. J’étais encore bébé. Une chanson mélancolique, un peu triste. C’est maman qui me l’a dit. Les profanes en musique diront que c’était des cris, des pleurs et non de la musique. C’est vrai que je pleurais. Mais c’est parce que j’étais sous le coup de l’émotion. Disons même que c’est parce que je vivais la chanson. C’était mon premier tube.

A chaque fois que je chantais, papa râlait, parce que je l’empêchais de dormir, en plus il n’était pas trop fan de ma musique. Par contre, maman accourait à toute allure vers moi. Elle me prenait dans ses bras et me répondait par une jolie chanson. Sa douce voix effleurait mes petites oreilles. Sa voix était si douce. Normal, c’est ma maman. Je me laissais tomber dans les bras de Morphée au son de sa voix. Les paroles de cette berceuse raisonne encore dans mes oreilles.

« i makun makun n  den oh i makun » (sèche tes larmes mon enfant, sèches tes larmes)

 makun makun bebe oh i makun sa !  (ne pleure pas mon enfant ne pleure pas)

 n  den oh i makun  (mon enfant ne pleure pas)

min de kèra bebe la, makun (qu’est il arrivé a mon bébé, ne pleure pas)    

fosi ma kè bebe la, i makun ( il ne t’est rien arrivé mon bébé, ne pleure pas)

min de kèra bebe la, makun (qu’est il arrivé a mon bébé, ne pleure pas)

kôkôn de bè bebe la, i makun »  (mon bébé a faim, ne pleure plus)

 

Mon téléphone regorge de plusieurs tubes. Mais aucun de ses chants ne m’apaisent ni ne m’aide à dormir. Bien au contraire, ce sont plutôt ces décibels qui donnent le top départ de la journée en tant que sonnerie de mon réveil.


Dis-moi qui tu es et je te dirais comment tu prépares le ramadan…

Comme chaque année à la même période Madou le maçon est muni de sa truelle. A la différence des autres années la brouette était poussée par son fils Siaka. Ils doivent refaire les dalles de la devanture de la grande famille des Gaoussou. C’est là-bas que la plupart des habitants du quartier prie. Pendant le ramadan la mosquée du quartier ne peut accueillir tout le monde. La faute  aux « croyants saisonniers » qui viennent grossir les rangs. Mais que l’on soit expert, débutant, vieux, jeune… c’est bientôt le ramadan et à chacun ses  préparatifs.

Les chefs de famille

Le sermon de la prière du vendredi a fait grincer les dents des commerçants du quartier. Mais la prêche de l’imam n’a pas influer sur le prix des produits. C’est bien connu à l’approche du ramadan les prix grimpent. Les chefs de familles avertis profitent pour faire le stock des denrées de premières nécessites. Huile, riz, lait en poudre il faut penser à tout. Surtout au sucre. Parce qu’en plus du sucre de la famille il y’a aussi celui de la belle famille. Tout bon gendre doit à l’approche du mois béni envoyer ua moins quelques kilos de sucre dans la famille de sa femme.

La nouvelle mariée: « môni tobila » ou Celle qui va préparer la bouillie.

Le nombre de mariage augmente à l’approche du ramadan. Et pour ces nouvelles mariées  les préparatifs du mois de jeun à un gout particulier. Le surnom de la nouvelle mariée campe déjà le décor. On l’appel « Môni tobila » c’est à dire celle qui va préparer la bouillie et aider sa belle mère à la cuisine. La bouillie très prisées pour le soukouri* et le sounakari**Pendant ces 30 jours de pardon, les femmes travaillent deux fois plus. Elles se lèvent au premier chant du coq et s’endorment avec les hiboux.

Les gars:  Le dernier weekend…
Pour certains jeunes, le dernier weekend avant le ramadan c’est comme le dernier repas d’un condamné à mort avant la chaise électrique. Ça se savoure. Il faut faire le maximum de vidange de libido avant la disette. Ce n’est pas grave, on jeunera pour se faire pardonner après. On aura un mois pour effacer voire formater toutes les données pécheresses téléchargées pendant toute l’année. En attendant jouissons une dernière fois. Et pour cela rien de tel que les soirées dansantes des derniers weekend. hummmm

Les filles: Adieu les habits sexy

Le dernier weekend c’est aussi l’occasion de profiter aussi de ses habits sexy. Robe moulantes et taille basse sont de rigueur. On porte les talons pour un temps parce que 10 minutes après on les enlevé. Difficile de marcher à plus forte raison danser avec. Après ce weekend, adieu talons, tailles basses, pantalon et les autres habits sexy. On ne pourra même plus se rincer l’oeil..tchrrrr
Et vous comment vous préparez le ramadan?
NB: *soukouri: repas que l’on mange pour débuter le jeûne
        **sounakari: repas mangé pour rompre le jeûne.


Mali: le bazin, plus qu’un tissu, une industrie

Pendant que vous lisez ce billet un tas de monde fourmille sous un soleil ardent au marché rose de Bamako. Parmi eux, des femmes se faufilent entre les petites ruelles du marché à la recherche d’un tissu. Le bazin. Pourquoi vont-elles jusqu’au grand marché de Bamako? Parce qu’il y’a bazin et bazin diront-elles. Et quoi de plus que le bazin « Gagny Lah ». Du nom du grand commerçant « Gagny Lah » décédé ce mardi 17 Mai 2016.

Gagny Lah, @page facebook du festi bazin
Gagny Lah, @page facebook du festi bazin

(Le) Gagny Lah, le père d’une étoffe

Je ne saurais vous donner ni son âge exact ni quand et comment Gagny Lah a fondé son entreprise. Je ne prétends pas être un « bazinnologue ». Mais à Bamako tout fini par se savoir. Il est de notoriété publique que Gagny Lah a commencé modestement, en imposant son nom au bazin qu’il importait d’Allemagne. Et oui Bamako capitale du bazin, mais ce tissu est bel et bien importé ! Le succès fut tel que le nom « Gagny Lah » et la marque ne font plus qu’un. Ainsi commença « la bazin story » de Gagny Lah. Les griottes à la peau douce et à la voix mielleuse ne jurent que par ce tissu. C’est le bazin par excellence, celui qu’il faut porter pour être vu. Et pour ceux qui veulent être vu, reconnu et pointé du doigt, le bazin doit passer par certaines étapes. Je me ferais un plaisir de vous les expliquer.

La delegation malienne au J.O de Londres 2012
La delegation malienne en bazin au J.O de Londres 2012

Acheter son tissu bazin

Un seul lieu, le marché rose. Ne vous fiez pas au nom du marché, tout n’y est pas rose. Quelques conseils d’usage s’imposent : ne jamais sortir son porte-monnaie et ne jamais dire ce que l’on cherche aux personnes qui vous le demandent. En général, ce sont des « cocsseurs », ils vous emmènent dans une quelconque boutique, augmentent le prix des articles pour gagner plus d’argent. Du coup les articles vendus par les « cocsseurs » coûtent plus cher que la norme.  Au beau milieu du marché,  le restaurant « Tantie j’ai faim ». Maman m’avait bien expliqué le chemin. La boutique se trouve dans la première ruelle à droite après le restaurant. C’est ici. Sur l’enseigne « vente de bazin ». Derrière le comptoir, Yattasaye un jeune d’une vingtaine d’année. Habillé en bazin bleu. Avec une montre assortie au poignet. Apres quelques minutes à faire la queue, nous voici devant le jeune homme. Il nous explique les différentes catégories de bazin. Le bazin riche, dont le prix du mètre varie entre 5.000F CFA et 6.000 F CFA. Le bazin moins riche, entre 3.000 et 4.500 FCFA et le bazin industriel dont le prix du mètre dépasse à peine les 2.000f CFA. Ce dernier est le dernier des bazins. Il est aussi appelé « kleenex » parce qu’il suffit de le laver une seule fois pour que ce bazin soit déteint. Pour un ensemble homme il faut acheter au moins 4 mètres de bazin. Pour les femmes 3 à 4 mètres suffisent. C’est selon les modèles. Le bazin est vendu tout blanc. L’étape suivante diffère selon les moyens. Pour ceux qui veulent porter le bazin blanc, ils vont directement chez le tailleur. Mais pour ceux qui ont les moyens or de question de porter le bazin sous la couleur embryonnaire.

Chez la teinturière

Un bazin teint exposé au soleil pour être séché.
Un bazin teint exposé au soleil pour être séché. /crédit photo: Patricia Gérimont

La teinturerie est un art. La réussite d’un bon bazin passe forcément par elle. Elle est généralement pratiquée par des femmes. On les aperçoit au loin, des dizaines de bassines les unes à côté des autres, mains dans les gants et masques sur le visage, elles plongent le bazin dans un liquide. Le tissu ressort baptisé avec un nom nouveau, fisha, indigo, bagakènè(bleu clair), style bougie, ou que sais-je encore. Le style bougie est très apprécié. C’est un motif qui permet d’avoir plusieurs styles sur un même tissu. Le bazin passe ensuite sur les fils pour sécher.

Un tour chez le tapeur de Bazin

Les tapeurs de bazin
Les tapeurs de bazin

Le bazin se métamorphose et devient encore plus beau, avec une couleur éclatante. Direction le marché de Magnambougou, un quartier sur la rive droite de Bamako. Ce marché est affectueusement appelé « Ala minè sougouni », ce qui veut dire : le marché où l’on s’en remet à Dieu. Le prix des articles du marché est tellement cher que les clients s’en remettent à Dieu pour faire leurs achats. Le bruit des tapeurs de bazins rythme le marchandage des clients du marché. Une dizaine de cabane en bois, le toit plombé de paille et de plastique forme la colonie des tapeurs. Ce sont exclusivement des hommes avec une forte clientèle féminine. Sous la cabane, deux hommes assis, le dos courbé avec des bras bien musclés, sur leur front, une tonne de sueur cherche désespérément à se frayer un chemin. Ils tiennent entre les cinq doigts un énorme morceau de bois en forme de marteau dont le bout est gros et arrondi. Le bout de bois s’élève et tape le bazin impuissant, posé en bas sur un support également en bois. Pour être beau il faut souffrir et le bazin n’échappe pas à la règle. Les tapeurs de bazin sont comme des blanchisseurs traditionnels mais avec quelque chose en plus. Ils tapent le bazin pour lui donner une forme et le rendre plus brillant avec des techniques. On raconte que les plis de certains bazin sont tellement bien faits qu’ils peuvent égorger un margouillat. *:)) Marrant

Le coup de ciseaux final

La rivalité entre les tailleurs est aussi tranchante que leur paire de ciseaux. Les nouveaux modèles voient le jour au gré des derniers clips de tels artistes célèbres ou de l’apparition de tel personnage public. Ce qui est sûr c’est qu’il faut avoir son modèle en tête et amener son bazin chez le tailleur plusieurs semaines avant la cérémonie. Les mauvaises langues disent que les tailleurs ne respectent jamais les rendez-vous. D’ailleurs, lors des fêtes de tabaski (Eid El Kebir, fête musulmane), qui n’a jamais vu une cliente convoquer son tailleur à la police parce que ce dernier n’avait pas honoré son rendez-vous.

Devant le miroir:

Voilà, le bazin est prêt. Comment me trouvez-vous  ?

Moi, tout beau en bazin
Moi, tout beau en bazin


La nuit autour du thé

 

Il est 19 heures et le soleil s’empresse de se cacher derrière les collines de Bamako. Le signal est donné. Le muezzin lance un appel aux fidèles. C’est l’heure de la prière du soir. Tapis et chapelets en main, les vieux prennent le chemin de la mosquée tandis que j’arpente les petites ruelles. Direction le grin. Ces groupes de discussion autour du thé qui pullulent dans toutes les ruelles de Bamako.

Au loin, les phares des motos « djakarta » éclairent le petit kiosque de David. De petites lumières rouges scintillent et se passent de mains en mains. Chaque lèvre dépose sa part de salive sur la mèche de cigarette. Que les fumeurs sont solidaires. De temps en temps, la cigarette disparaît et réapparaît comme par magie. Ce tour de cache-cache est rythmé aux pas des personnes âgées.

Les mégots de cigarette finissent ensuite par terre, mourant près du feu qui leur a donné vie. Sur le fourneau, la théière trône majestueusement au milieu des charbons ramassés ça et là. L’eau boue. On y met le thé. C’est le départ pour une nuit de guinguin, c’est à dire de hibou. On nous surnomme ainsi parce qu’on ne dort jamais la nuit. Enfin, si, mais mais très tard la nuit ou très tôt le matin. C’est selon.

Le thé durait comme d’habitude sur le feu. C’est la particularité du « thé guinguin ». En attendant, les dos sont courbés et les regards plongés sur les écrans des téléphones portables. Parfois, les yeux décrochent des écrans pour accompagner du regard les silhouettes des jolies filles du quartier. Une longue discussion s’entame. Le thé est prêt. Il est temps. La voix du muezzin dissipe les bribes d’obscurité restantes. La nuit s’achève comme elle a commencé. Il est temps de dormir.

 


Quand j’ai rencontré le Mali qui vit en moi.

« Connais-toi toi-même… » disait Socrate. Mais pour cela encore faudrait-il d’abord se rencontrer sois même. Sur ces lignes qui suivent je vous parlerais de ma première rencontre avec le « moi » que je suis. Qui est différent de ce qu’on dit de moi. Je vous rassure, je suis seul dans ma tête et je me suis déjà regardé dans la glace. J’ai toujours les mêmes yeux un peu gonflés par des soirées de noctambules autour du thé.

Je m’appelle Coulibaly. Chez moi au Mali, le nom (de famille) seul suffit pour connaitre l’ethnie et la communauté d’une personne. D’où cet adage « dis-moi ton nom de famille, je te dirais qui tu es ». Certains iront jusqu’à détailler des traits de caractères, des défauts, des préférences alimentaires en fonction d’une ethnie… Sous d’autres cieux la question: « quel est ton nom? » peut sembler très banale. Chez moi, souvent c’est le début de l’élaboration d’un portrait-robot voire d’un profil.

Les premières lignes de ce soit disant « bio » prédéfinis, disent que je suis bambara. De ce fait je n’aime certainement pas les nordistes. Je trouverais qu’ils n’aiment pas travailler. Ce qui voudrait dire que je déteste aussi ma maman vue qu’elle est songhoy née et grandi à Gao. Et oui, c’est bizarre non?

Quant à l’autre moitié de mon « identité » les songhoy, ceux-ci aussi n’aimeraient que les siens. Ils détestent parler d’autres langues que le koyraboro senni (la langue songhoy). Ils passent leurs journées à boire du thé et à manger de la viande entrain de papoter sur les autres… En tant que fruit de cette union qui suis-je alors? Peut-être comme le yin et le yang. Un peu fashion non?

Dans nos discours habituels il y’a autant de propos, de pensées, de clichés toutes faites qui rendent difficile la vie en communauté, la cohésion sociale. Comment vivre ensemble sans apprendre à bien nous connaitre les uns et les autres? Nous avons certainement des différences. Ces différences sont plutôt des atouts et non des défauts. Amadou Hampaté Ba disait « la beauté d’un tapis tient à la variété de ses couleurs. La diversité des hommes, des cultures et des civilisations fait la beauté et la richesse du monde.

« Ma première rencontre avec le malien que je suis c’est passé à l’étranger. Pour la première fois j’étais malien. Juste malien, ni bambara, ni songhoy ou quoique ce soit. Aucune référence à une quelconque appartenance ethnique. On m’acceptait juste pour qui je suis sans préjugé.

Rencontre-toi toi-même, c’est le début des rencontres. Ainsi tu pourras rencontrer les autres et les aimer.


Pays riche président modeste, pays pauvre président riche.

Vous savez, les américains sont champions en tout. Ils ont les plus grands scientifiques du monde. Les plus grandes agences de sécurité. La CIA, du FBI, des experts Miami, les experts Manhattan sans oublier superman et batman…bref

Mais avec tout cela le président Obama est obligé de tenir lui-même son parapluie.

obama_usa-cuba_0
Barack Obama en promenade en famille dans les rues de la vieille Havane, le 20 mars 2016. REUTERS/Carlos Barria

Ils n’ont donc pas l’expert monsieur parapluie ? Alors qu’au Mali, nous avons les gardes les plus expérimentés dans ce domaine. Des gardes qui ont pour mission de tenir le parapluie du président de la république. Pourquoi ? Parce que le président fondateur ne saurait abîmer ses mains en tenant un vulgaire parapluie.

ibk parapluie
Le président IBK le 4 septembre 2013 au Centre International de Conférence de Bamako. / Reuters

Ses douces mains sont exclusivement réservés à signer des contrats faramineux et à serrer les mains des plus grands présidents qui tiennent eux même leur parapluie.

karim-keita-depute-honorable-assemblee-nationale-epouse-femme-korotoumou-sidibe
Le député, Karim Keïta, aussi fils du président IBK.


Bamako et la crise au Nord du Mali

Depuis plusieurs années le Nord Mali est victime d’une très grande crise sécuritaire. Une crise qui secoue tout le pays. A plus de 1000 kilomètres au Sud, se trouve Bamako la capitale.

Un décor différent du Nord Mali. Avec ces embouteillages à chaque rond-point. Autre différence, la présence effective des autorités administratives, très peu représentées au Nord.

Ici pas d’explosion de mines ou de détonation d’armes lourdes. Pourtant les évènements au nord Mali influent sur la sécurité à Bamako. En démontre l’effectif élevé des vigiles devant les hôtels, ambassades et sites administratif. Mais aussi La tentative d’assassinat en début de semaine contre le général Mohamed Abderrahmane Ould Meydou. Il a été touché à la jambe et à l’épaule. L’officier supérieur malien était très actif dans les combats contre les groupes armés du Nord en 2012.

Une tentative considérée par plus d’un comme la preuve de l’insécurité grandissante à Bamako. Selon Arouna Diallo, professeur de Géopolitique « il n’y’a pas de doute cette recrudescence de violence est le résultat de la dégradation sécuritaire dans les régions Nord-Mali sur Bamako »

« Bamako est une ville stratégique. De par sa position et son rôle. En plus c’est la capitale économique et administrative. Quand il y a une crise forcément Bamako en pâtit. C’est l’effet domino »,a-t-il poursuivi.

Portes-feuilles

L’instabilité sécuritaire du Mali, pas de quoi séduire les investisseurs. Plusieurs corps d’activités économiques tournent au ralenti. C’est le cas de Mamadou Coulibaly, Chef d’escale dans une société de transport. Il fait régulièrement la navette entre Bamako-Gao.. « Avec les récents affrontements entre les groupes armés, beaucoup de passagers ont annulé leur voyage vers le Nord. Ils disent ne pas être pas en sécurité. Cela impacte négativement notre business » explique-t-il.

A combien se chiffrent les pertes économiques dues à la crise? Pour répondre à cette question nos rendez-vous sont restés sans suite au niveau du protocole du ministère de la réconciliation nationale. « Nous ne sommes pas en mesure de vous fournir de chiffres sur les pertes économiques, faute d’enquête à ce sujet. Voyez plutôt au ministère de la solidarité, de l’action humanitaire et de la reconstruction des régions du Nord », nous confie un conseiller du ministre au détour de l’escalier.

Même son de cloche au ministère de la solidarité, de l’action humanitaire et de la reconstruction des régions du Nord.

Fantasme

Les images des affrontements au nord Mali ne sont pas diffusées sur l’ORTM, la chaine nationale de télévision, très regardée à Bamako. Il faut compter sur les chaines étrangères pour ceux qui ont le moyen de s’offrir des décodeurs numériques. Un déficit qui met la population en emphase des réalités du terrain. Ce manque d’information fait germer plus d’une théorie et fantasmes. Du haut de ses 23 ans, Moulay Koukeïna, jeune étudiant en gestion explique « La ville de Gao est considérée comme le centre du monde. C’est pour cela que les Français veulent y installer une base militaire pour contrôler le monde entier. »

Au bord d’une route très bruyante se trouve la boucherie de Soumaila Sangaré. Un kiosque fait de tôle et de bois. Il lit un quotidien d’information pendant que des mouches festoient sur un bout de viande accrochée.« La crise au Nord-Mali est due à la France, c’est elle qui met les maliens les uns contre les autres. » Il y a deux ans, les forces françaises ont été accueillies par des scènes populaires de joie. Les drapeaux Français et Maliens flottaient partout. Aujourd’hui, l’effervescence est retombée d’un cran.