Chez moi on ne balance pas les porcs, ils sont halal !
Elles se tiennent debout, un foulard sur la bouche. La chanteuse Inna Modja et la styliste Mariah Bocoum finissent par enlever ce foulard pour s’exprimer. Cette scène du clip « Tombouctou » de la malienne Inna Modja n’est pas anodine. Ce geste représente le désir et le besoin d’émancipation de la femme malienne. Cette femme qui doit briser le silence et prendre la parole pour s’exprimer.
Vous avez probablement entendu parler de la vidéo d’un viol collectif qui a ému et touché les maliens. Les auteurs présumés de ce viol ont pu être arrêtés grâce à l’implication des associations de défense des droits des femmes et à l’implication des internautes sur les réseaux sociaux.
Un viol commis au #Mali, filmé et partagé par les auteurs qui croyaient s’en tirer comme ça. Une prime de 1.000.000 FCFA vient d’être annoncée pour toute personne qui donnera des informations fiables sur les crapules »
Source : Bintou Foune Samake de l’ONG #WILDAF
RT max svp— Solo Niaré (@SoloNiare) 6 février 2018
Le plus jeune des présumés violeurs était à peine âgé de 16 ans et le plus vieux avait 25 ans. La victime n’a jamais porté plainte. Pourquoi n’a t-elle jamais dénoncé ces 4 hommes qui l’ont violé? Et si la vidéo n’avait pas été rendue publique? On aurait certainement jamais su ce qui s’était passé. Combien de femmes victimes de viol se murent dans le silence?
Balancer un porc c’est réduire ses perspectives de mariage
Au Mali, le silence est roi ! Les victimes se taisent parce que laissées à leur propre sort, abandonnées par la famille et par la société toute entière. Même « Dieu » ne leur vient pas en aide. Nombreux sont les religieux qui cherchent à étouffer les affaires de viols. Ce silence fait de la victime un coupable. La victime serait coupable de parler. Il faut se taire pour ne pas faire de vague. « Il faut se taire sinon elle ne trouvera pas de mari », voilà pourquoi beaucoup de femmes ne parlent pas. Elles se disent qu’en parlant elles n’obtiendront jamais le Graal, se marier.
Si on veut vraiment lutter contre le viol au Mali il faut arrêter de couvrir les violeurs qui sont présents dans nos familles, qu’on ne dénonce pas par peur d’entacher l’honneur de la famille ou car les gens risqueraient de trop parler .
— Malkia wa Africa (@Annaous) 8 février 2018
Au Mali on refuse de se regarder en face. On préfère se créer une autre réalité pour s’y réfugier. On botte tout le temps en touche en cherchant des causes extérieures à nos problèmes internes. Quand on parle de protection ou de droits des femmes on fait référence à une influence étrangère. L’argument phare c’est de dire que l’Occident souhaiterait impacter nos modes de vie. Mais on oublie que les victimes de ces crimes sont des personnes nées et ayant grandi chez nous. Quel est le rapport entre une femme battue jusqu’à la mort ou une fille victime de viol et la France ou l’union européenne ?
Le dernier rapport du Sous Cluster Violences Basées sur le Genre au Mali, paru en Février 2018, constate une augmentation de 33% des cas de violences basées sur le genre en 2017 par rapport à 2016. Ce même rapport fait état d’une diversité de profil des personnes impliquées dans la perpétration d’actes de violences basées sur le genre au Mali. Des fonctionnaires, commerçants, enseignants, cultivateurs, représentants des forces de sécurité, des acteurs du système judiciaire, des leaders religieux, des membres d’un groupe armé et acteurs armés non étatique sont cités parmi les présumés auteurs des cas de violences basées sur le genre rapportés en 2017. Cette diversité montre que toutes les couches de la société sont concernés par ce problème. Il est urgent de prendre conscience de l’ampleur de la situation et de la regarder en face.
Ce déni ne fait qu’aggraver le problème et augmente la culture de l’impunité. L’ONG Wildaf-Mali (Women In Law and Development/ Femme – Droit et – Développement en Afrique) a recensé 171 femmes victimes de violences sexuelles venant des régions du nord du Mali. Selon Bintou Bouaré, présidente de Wildaf-Mali « sur ces 171 femmes, 113 ont accepté de porter plainte. En trois ans, 37 femmes seulement ont été entendues par le procureur de la commune 3 de Bamako ». Maintenant, toutes ces écoutes sont stoppées et la procédure bloquée. Un arrêt de la cour suprême rend aux juridictions des régions nord du Mali leur compétence. « Avec l’insécurité qu’il y’a dans ces régions c’est impossible qu’on poursuive la procédure » soupire Bintou Bouaré.
SOS, il faut aider les hommes à comprendre…
Qui n’a jamais entendu autour d’un thé « les femmes sont mauvaises mais nos mères n’en font pas partie ». Dans la tête de l’homme malien, il y a plusieurs catégories de femmes. Je pense que cette catégorisation amène les hommes à se dire qu’ils doivent impérativement respecter une catégorie de femmes, les mères et pas forcement l’autre catégorie qui serait les autres femmes, qui doivent plutôt se soumettre. Il faudrait amener les hommes à comprendre qu’ils doivent du respect à toutes les femmes, qui qu’elles soient, « mère » ou non. Il faut aider les hommes à comprendre.
C’est courant de voir des publications du genre : « qu’est ce que la fille faisait la-bas? les filles s’habillent mal et nous provoquent » tentant de défendre l’indéfendable. La plupart des jeunes filles répondent aux hommes « et si c’était arrivé à ta sœur? » ou » je souhaite que la même chose arrive à ta sœur ». Cette phrase n’est pas une formule magique qui changera les choses. Ce n’est pas en souhaitant la même chose à la sœur d’une personne qu’elle changera d’avis. Puisque dans sa tête ça n’arrivera qu’aux autres. Je pense qu’il faut aller au delà de ces réponses toutes faites et aller vers une sensibilisation sur le genre dès le plus jeune âge dans les écoles.
Il faut des cours d’éducation sexuelle dans les classes au Mali.
— Pure Négativité (@MariaamK12) 8 février 2018
Pour les jeunes d’aujourd’hui, je pense qu’il faudrait lancer des campagnes de sensibilisation à tous les niveaux de la société. La plupart des hommes pensent que les associations de défense des droits des femmes sont contre eux. Du coup, ils sont moins réceptifs aux messages de sensibilisation. Il faut que tous comprennent que ce n’est pas une guerre de genre avec un gagnant et un perdant. Il faut expliquer aux hommes que c’est pour les aider à comprendre et à respecter les femmes en tant qu’être humain. Tant que ce changement ne sera pas effectif, il est évident que les violeurs d’aujourd’hui seront les mêmes qui battront leur femme jusqu’à la mort. De tels exemples, on en a déjà connu au Mali. C’est à ce moment qu’on se réunira tous ensemble au niveau du boulevard de l’indépendance et qu’on fera des marches.
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